Nord Nord

« Dans aucun autre pays, le Nord n’est aussi changeant, fluctuant et incertain qu’en Italie. Tout le monde dit : « c’est plus au nord ». Il est vrai que nous sommes un pays du sud de l’Europe, mais nulle part ailleurs on désigne le nord avec autant d’insistance qu’ici ». Depuis qu’il a quitté la plaine émilienne pour s’installer dans le nord du nord, Marco Belpoliti est fasciné par le mystère de cet endroit à la fois concret et insaisissable. Et comme dans « Pianura », plus que dans l’atteinte d’un but, le sens de son errance réside dans les rencontres faites en chemin. C’est dans les échanges intellectuels et humains avec des photographes, des artistes et des écrivains amis – véritables esprits guides – que Belpoliti trouve son Nord, sa boussole sentimentale et poétique. Où se trouve exactement le Nord ? Et que signifie-t-il dans notre pays ? S’agit-il d’une pure invention ? Ni Dante ni Pétrarque n’ont jamais utilisé ce mot, ils auraient plutôt parlé de Settentrione (le Nord). Alors, quand a-t-on commencé à en parler ? Partant de ces interrogations sur un concept relatif et plus qu’évasif, Marco Belpoliti trace les contours d’un territoire défini par l’histoire, la géographie, les souvenirs personnels et littéraires : un territoire qui s’étend de Milan, sa ville d’adoption, à la Brianza, à Monza et à Bergame, mais aussi à la mer du Nord et même à la mer Noire. Belpoliti pose un regard « géologique » sur ces lieux, qui inclut les blocs erratiques laissés par les glaciers il y a des millions d’années, et se projette vers un avenir (peut-être) dystopique, dans lequel, en raison du changement climatique, l’Adriatique submergera la plaine du Pô, transformant la Brianza en une agréable station balnéaire. Mais son regard est également attentif au monde des petits animaux – coccinelles, chauves-souris, corbeaux, salamandres – qui, au fil des saisons, trouvent refuge près de chez lui, voire dans sa maison ; attentif, surtout, aux personnes qu’il a eu la chance de fréquenter. Parmi celles-ci, quelques protagonistes de la vie culturelle italienne de ces dernières décennies, tels qu’Alberto Arbasino, Gabriele Basilico, Mario Dondero, Enzo Mari, Lea Vergine, et les Siciliens transplantés dans le Nord Vincenzo Consolo et Ferdinando Scianna : il nous offre de chacun d’eux un geste, une habitude, une vision du monde. Un voyage vers le Nord, mystérieux et insaisissable, où l’auteur semble vouloir nous emmener avec son récit plein de curiosité humaine et intellectuelle et sa voix empathique et intense.