Works

Avec une écriture originale comme un morceau de jazz classique, Vitaliano Trevisan raconte dans ce roman autobiographique le travail dans un lieu où il est une religion, le Nord-Est, des années 70 aux années 2000. À travers ce prisme, il explore non seulement les mutations de notre pays, mais aussi sa propre vie : l’échec de l’amour, les mécanismes de pouvoir cachés dans toute relation, l’histoire de sa propre famille et de toutes les familles, qui est toujours « une histoire d’argent ». « Pourquoi est-ce que je trouve toujours du travail ? me disais-je. Pourquoi ne me laissent-ils pas dériver en paix ? Devenir un clochard. C’est l’une des possibilités que j’envisageais. Que j’envisage encore. Mais je n’ai pas le courage. Je pense à mon père, le policier Arturo, et à son uniforme, toujours impeccable ; et à mon grand-père, à la dignité avec laquelle il portait son costume de fête. Des absurdités qui me reviennent sans cesse. L’origine, c’est un costume que l’on n’enlève jamais. » La condamnation tout à fait humaine au travail commence pour Vitaliano Trevisan à l’âge de quinze ans, lorsqu’un soir, au dîner, il demande à son père un nouveau vélo, un vélo de garçon, car rouler avec celui de sa sœur aînée signifie être la risée de ses camarades. En guise de réponse, son père l’emmène dans l’atelier d’un ami qui imprime des tôles pour des abreuvoirs à oiseaux : « Comme ça, tu comprendras d’où ça vient », lui dit-il, en faisant allusion à l’argent. Commence alors pour l’auteur une « carrière » qui est une succession de faux départs : de manœuvre à constructeur de voiliers, de serveur à géomètre, de chômeur à glacier en Allemagne, de magasinier à portier de nuit, jusqu’au trafic de drogue et au vol, « un commerce qui obéit aux mêmes règles du marché ». Trevisan raconte les années 70, écrasées entre la politique et l’héroïne, auxquelles il semble avoir survécu presque par hasard, l’histoire d’un mariage et de sa fin, les contradictions du monde de la culture – où, ironiquement, la phrase la plus répétée est « il n’y a pas d’argent », la même que lui servait son père – et la souffrance psychique, le parcours semé d’embûches d’un garçon destiné à devenir écrivain.