Livres
3 juin 2024

Locus desperatus

par Mari Michele
Locus desperatus

Nous avons tous dû, tôt ou tard, nous séparer de quelque chose que nous pensions n’appartenir qu’à nous : mais sans ce qui nous appartient, serions-nous encore capables de dire qui nous sommes vraiment ? Le protagoniste de ce roman vit dans un appartement meublé avec beaucoup de goût et tout autant de paranoïa, deux caractéristiques dont il est difficile de se libérer. Surtout lorsqu’on reçoit une demande d’expulsion soudaine, qui semble avoir une origine extraterrestre… Après tout, une maison hantée peut être une malédiction, ou l’occasion de faire l’inventaire de son passé. « Réduit ainsi, j’étais roi : de mes affaires, de mes collections, et donc de moi, qui avais systématiquement transféré mes moindres particules intimes dans ces collections ». En philologie, le locus desperatus désigne un passage textuel corrompu et irrémédiable, pour lequel le philologue est contraint de jeter l’éponge en le marquant de ce que l’on appelle la « croix du désespoir ». Et c’est précisément une petite croix, tracée la nuit à la craie sur une porte, qui donne le coup d’envoi de cette histoire. Un matin, en sortant de son appartement, le protagoniste remarque cette marque juste au-dessus du judas de l’entrée de la maison : qui a pu faire cela, et quelle signification cela a-t-il ? L’homme efface la croix, mais le lendemain, puis le surlendemain, le signe réapparaît implacablement. Le mystère s’épaissit lorsqu’un échange est imposé au résident : quelqu’un prendra sa place et il sera contraint de déménager. Mais en changeant de résidence, il sera également contraint de changer d’identité : toutes les choses qui se trouvent dans l’appartement devront à leur tour choisir. Soit elles s’enfuient avec lui, soit elles passent à un nouveau propriétaire – en se souillant de haute trahison. Car chaque objet aimé a une âme, et donc une volonté propre. Depuis toujours, les maisons, dans l’histoire de la littérature comme dans celle de la vie, sont le lieu où les événements les plus banals se mêlent aux événements fatidiques. La demeure au centre de Locus desperatus ressemble cependant à la Hill House imaginée par Shirley Jackson, ou à la Maison Usher de Poe : une entité sensible, avec son propre caractère. Un lieu où l’inconscient de ceux qui y vivent, après une longue fréquentation, ne fait plus qu’un avec les livres, les gravures, les objets et les souvenirs d’enfance. Et qui mieux que Michele Mari pouvait raconter les désirs et les obsessions pour les fétiches accumulés au cours d’une existence, se livrant à un duel avec sa propre mémoire affective ? L’auteur de Verderame et de Leggenda privata nous offre une étrange descente aux enfers en même temps qu’une impitoyable taxinomie des souvenirs. Un roman tourmenté et divertissant sur le sens ultime que nous donnons aux objets : « Sans mes choses, je ne serais plus moi, et sans moi, elles ne seraient plus elles ».

 

  • Maison d’édition Einaudi
  • Année de publication 2024
  • Nombre de pages 136
  • ISBN 9788806264512
  • Droits étrangers valeria.zito@einaudi.it
  • Prix 18.00

Mari Michele

Michele Mari est un écrivain, traducteur et poète italien. Ses livres sont très nombreux. Parmi eux, on peut citer au moins: Euridice aveva un cane (Bompiani 1993; Einaudi 2004), Tu, sanguinosa infanzia (Mondadori 1997; Einaudi 2009), Tutto il ferro della torre Eiffel (Einaudi 2002), 2007), Verderame (Einaudi 2007), Rosso Floyd (Einaudi 2010), Leggenda privata (Einaudi, 2017), Le maestose rovine di Sferopoli (Einaudi, 2021).

Locus desperatus
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