Giuseppe Dessi en traduction
Auteur: Martina Romanelli, University of Florence
Un premier bilan de la fortune internationale de l’œuvre de Giuseppe Dessí (Cagliari, 1909-Rome, 1977) a été établi en 2013 dans le volume Giuseppe Dessí tra traduzioni e edizioni dirigé par Anna Dolfi de la FUP (avec des essais de Nicola Turi, Beatrice Sica, Marco Dorigatti, María de las Nieves Muñíz Muñíz, Susanne Kleinert, Inge Lanslots, Hanna Serkowska, Żaklina Wąs, Judit Józsa, Oleksandra Rekut-Liberatore, Elina Suomela-Härmä). Ce volume concentre une longue tradition d’études qui ont été portées par différentes générations de spécialistes, de jeunes chercheurs, éditeurs (cfr. les publications de Sef ou d’Ilisso) et traducteurs.
En soi, cette cartographie des traductions de Giuseppe Dessí est l’une des plus étendues de la littérature italienne. Elle concerne 23 langues de l’Europe aux Amériques (États Unis, Argentine), à l’Orient (de la Turquie à la Chine en passant par les pays de langue arabe). La Dans ce panorama éditorial, la France se distingue par son attention précoce et fidèle à l’œuvre de Dessí. Toujours en Europe, on remarque depuis quelques années un intérêt pour l’auteur italien dans les pays Baltes et Slaves grâce à la collaboration active de l’équipe réunie à Florence autour d’Anna Dolfi.
La cartographie des œuvres de Dessí présente toutefois quelques angles morts (on pense aux Pays-Bas). Depuis le milieu du XXème siècle, sa diffusion à l’étranger demeure, du reste, liée à un groupe assez réduit, mais surtout inchangé, de textes : un drame pour le théâtre, quatre romans et un ensemble de treize récits épars dans des anthologies ou des revues – exception faite du recueil Lei era l’acqua (1966), traduit intégralement en roumain sous le titre Ea era apa grâce à Anca Giurăsku et Constantin Streia (chez Pentru Literatură Universală) en 1969.
La première période de la fortune de Dessí à l’étranger coïncide avec les années 1940-1960, à savoir les années-mêmes de l’activité de l’écrivain. Les traductions suivent grosso modo le rythme des publications en Italie, avec parfois du retard ou quelques lacunes.
La giustizia – parue la première fois en 1957 dans la revue « Botteghe Oscure » – est la seule œuvre théâtrale de Dessí, issue de ses expérimentations narratives, à avoir été traduite : en allemand par Ursula Schuh (Kurt, 1960) et en tchèque par Zdeněk Digrin (Dilia, 1976). Il en existe également un drame radiodiffusé en anglais réalisé par David Paul, véritable succès d’audience, transmis sur la BBC entre le 18 et le 20 mai 1958.
En revanche, les récits, publiés surtout dans la revue « Botteghe Oscure » de Bassani ou signalés par Niccolò Gallo dans « L’Âge nouveau » au début des années 1950, sont dispersées dans différents recueils ou anthologies (An Anthology of New Italian Writers della Caetani, del 1950, par exemple) ou plus fréquemment dans des revues, parfois dans des aires géographiques et linguistiques insoupçonnables. On pense à l’Albanie pour l’Innocenza di Barbara (1943) et aux versions de Fuga, La mia trisavola Letizia et Isola dell’Angelo qui se succèdent à des rythmes variables entre les années 1950 et 1960 en français, en anglais, en polonais, en hongrois, en allemand, en suédois et en danois.
Mais c’est le « Dessí romancier » qui, ces dernières années, attire l’attention de l’édition internationale. San Silvano, qui remonte à 1939, a été traduit en anglais par Isabel Quigly (Harvill Press) seulement en 1966 ; I passeri (1955) en hongrois par Zoltán Számboki chez Európa en 1968 en tchèque par Cyril Kříž, chez Odeon en 1972 ; le Disertore, roman essentielle et fort d’humanité face aux souffrances du premier conflit mondial (1961), parvient en Angleterre, aux États Unis et en Suisse en 1962, en France en 1963, en Hongrie et en Argentine en 1964, aux Pays-Bas en 1965, en Allemagne et en Roumanie en 1969, alors que son œuvre la plus connue Paese d’ombre (1972, lauréate du prix Strega) connaît onze traductions : en slovaque, en polonais, en anglais, en tchèque, en roumain, en espagnol, en finlandais, en hongrois, en français et en turque.
Dans les années 1980 et 1990, plusieurs œuvres de Dessí ont été traduites avec un retard évident par rapport à leur première date de publication. San Silvano a été traduit en français par Gilberto Rossa et Bernard Simeone en 1988 (chez Verdier avec une introduction d’Anna Dolfi). Paese d’ombre est publié en Hongrie en 1988 (traduit par Mária Merle chez Európa Könyvkiadó), en France en 1991 (traduit par Suzanne Charre et Christine Grillon chez Actes Sud) et en Turquie en 1996 (traduit par Gülbende Kuray chez İmge Kitabevi).
Enfin, les années 2000 ont signé une reprise significative. San Silvano a été traduit en peu de temps en suédois par Johanna Hedenberg (2011), avec une introduction d’Anna Dolfi (dans la collection “Cartaditalias bokserie” dirigée par Paolo Grossi pour l’Institut Italien de la Culture « Carlo Maurilio Lerici » de Stockholm) et la revue « Vsesvit » (mars-avril 2012) a publié une traduction en ukrainien de Oleksandra Rekut-Liberatore (chercheuse de l’équipe réunie à Florence autour d’Anna Dolfi).
Le Disertore, en revanche, a été traduit en lituanien en 2013 par Birutė Žindžiūtė-Michelini, avec une préface de l’incontournable Anna Dolfi (Vilnius, Charibdè, 2013). Alors qu’en 2014, Laura Dolfi a publié dans le volume Tradurre il Novecento (saggi e antologia di inediti), sorti à Parme chez la MUP, des traductions des récits Il cacciatore distratto et Un canto en langue française, espagnole, portugaise, anglaise, allemande, lituanienne, russe, arabe et chinoise.