Pour Goffredo Fofi

Goffredo Fofi nous a quittés à l’âge de quatre-vingt-huit ans. Son nom ne dira peut-être pas grand-chose à beaucoup de ceux qui suivent l’actualité culturelle italienne depuis l’étranger, mais il fut pourtant l’intellectuel le plus important que notre pays ait connu au cours des soixante dernières années. Ce n’est pas ici le lieu pour rappeler en détail tous les aspects de son activité multiforme, de son engagement social, civil et politique à son investissement dans le domaine pédagogique, de la littérature au cinéma. Nous souhaitons simplement souligner ici un trait fondamental de sa personnalité, qui a marqué chacune des nombreuses initiatives qui ont jalonné son parcours intellectuel : sa générosité. Dans un milieu comme celui de la culture inévitablement dominé par la recherche de la reconnaissance personnelle et du protagonisme, Goffredo Fofi a fait de « l’esprit de service » la règle de son action. Un « esprit de service » qui a trouvé dans la dimension collective et plurielle des revues culturelles son principal moyen d’expression : de Ombre rosse à Quaderni Piacentini, de  Linea d’ombra à Lo Straniero et Gli Asini, les plus grandes revues culturelles italiennes de la seconde moitié du XXe siècle à nos jours ont été pour Fofi le terrain où déployer un exercice quotidien et capillaire de « médiation » qui a permis de faire émerger le travail critique et créatif de nombreux jeunes intellectuels italiens. Jamais écrasante, mais toujours sévère et rigoureuse, la leçon de Fofi, soutenue par une tension éthique et civile où convergeaient le pacifistme d’Aldo Capitini et les idéaux de justice et d’égalité de la tradition chrétienne et du socialisme libertaire, a été un point de référence incontournable dans le débat culturel italien pendant plus d’un demi-siècle. Pour tous ceux qui s’obstinaient et s’obstinent à croire en un autre modèle possible de société et de culture, Goffredo Fofi a été (et reste) une unité de mesure du monde.