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8 février 2023

Entretien avec Aňa Ostrihoňová, directrice de la maison d’édition Inaque

Auteur:
Alessandra Sanniti, directrice de l'Institut culturel italien de Bratislava

Depuis plusieurs années, Aňa Ostrihoňová dirige les éditions INAQUE à Bratislava, l’une des maisons d’édition les plus actives en Slovaquie pour la promotion des auteurs italiens. Son catalogue offre un éventail vraiment impressionnant de romanciers italiens contemporains.

Pouvez-vous nous présenter brièvement la maison d’édition Inaque ?

La maison d’édition Inaque a été fondée il y a dix ans, lorsque je suis revenue en Slovaquie après un long séjour à l’étranger. J’ai étudié la littérature, le journalisme et la traduction, il était donc naturel pour moi de me concentrer sur la littérature contemporaine européenne et nord-américaine. Inaque propose quatre collections de livres, réparties par genre : romans, essais, nouvelles, et la série la plus forte, Pandora, dont 80 titres ont déjà été publiés, consacrée aux auteurs féminins contemporains qui racontent leur histoire.

Notre objectif est de publier des titres qui durent dans le temps : c’est pourquoi la maison d’édition publie 18 à 24 titres par an. Comme toutes les petites maisons d’édition, nous nous concentrons beaucoup sur l’identité visuelle, qui, à mon avis, est particulièrement importante en tant que signe distinctif pour attirer le lecteur. 

 

Quelle est votre ligne éditoriale dans la domaine italien, et selon quels critères sélectionnez vous les livres à publier ?

Dès le début, j’ai mis l’accent sur les femmes écrivains, même si, en 2012, rien ne laissait encore présager la nouvelle vague féministe qui allait arriver peu après. Je voulais vraiment publier I giorni dell’abbandono d’Elena Ferrante, mais j’ai finalement commencé par la saga de L’amica geniale. Dans un premier temps, je me suis concentrée sur les écrivaines contemporaines qui explorent l’expérience de leurs protagonistes sous toutes ses formes – les romans de Donatella Di Pietrantonio, Nadia Terranova, Simona Vinci, Silvia Avallone, Francesca Diotallevi, les mémoires de Gaia de Beaumont ; puis j’ai remonté le temps et publié des romans de Mariateresa Di Lascia, Laura Conti, des œuvres d’auteures qui n’avaient jamais été traduites en slovaque. 

Parallèlement, j’ai publié les nouvelles de Paolo Cognetti, les romans de Domenico Starnone et La ferocia de Nicola Lagioia ; les traductions de Giuseppe Catozzella, Mauro Corona, Veronica Raimo et Veronica Pacini sont à venir.

Inaque étant une maison d’édition indépendante, il est nécessaire qu’elle soit autosuffisante. Je publie donc des livres qui, indépendamment de mes goûts, ont une valeur universelle tout en dépeignant les réalités et les contextes italiens. Chez nous, éditeurs, ces titres sont appelés « voyageurs », ils ont leur propre valeur littéraire et ne sont pas formatés pour un public étranger.

Parmi les éditeurs et les agents italiens, j’ai trouvé des personnes qui partagent mes goûts, avec qui je peux parler de littérature ou de questions sociales – des amis que j’aime rencontrer lorsque je suis en Italie, avec qui nous restons en contact même si nous ne négocions rien de particulier à ce moment-là, et en qui j’ai confiance, autant qu’ils m’ont fait confiance au début de notre collaboration.  

 

Les prix littéraires italiens, les salons du livre, les traducteurs de l’italien jouent-ils un rôle important dans le choix des titres ?

Il ne fait aucun doute que les prix littéraires augmentent les ventes de livres, ce qui n’est jamais une mauvaise chose. Je suis encore plus heureuse lorsque le gagnant est un livre que j’ai déjà acquis et sur lequel je travaille, comme ce fut le cas pour le roman L’acqua del lago non è mai dolce de Giulia Caminito ou Niente di vero de Veronica Raimo. Lorsque je choisis des livres à publier, les prix ou les critiques m’influencent relativement – pour le meilleur ou pour le pire.

J’aime lire des textes sur des appareils portables dont je ne vois même pas la couverture, j’oublie souvent qui est l’auteur, je me plonge dans la lecture sans attentes ni idées préconçues : à ce moment-là, décider de publier ou non le livre devient beaucoup plus facile. 

Les traducteurs sont importants : étant moi-même traductrice, je comprends parfaitement dans quelle mesure le texte littéraire peut être transféré dans le contexte slovaque. La traduction (à moins qu’il ne s’agisse de science-fiction) est toujours un peu en décalage, non seulement dans l’espace, mais aussi dans le temps ; parfois elle fonctionne, parfois non. Certains thèmes reviennent de manière cyclique, d’autres sont toujours présents. Les traducteurs qui ont la sensibilité nécessaire pour percevoir l’atmosphère et les synergies entre les deux pays sont d’une valeur inestimable.

J’essaie d’éviter les foires aux livres parce qu’elles me donnent l’impression d’être un enfant dans un magasin de bonbons : je veux tout. Je choisis mes livres en collaboration avec des traducteurs et, comme je l’ai dit, avec des amis que j’ai dans le monde de l’édition italienne. Une fois que j’ai choisi un écrivain, mon intention est de continuer à publier ses autres œuvres, mais cette décision est souvent conditionnée par plusieurs facteurs. Cela dépend clairement de la manière dont le titre est reçu par les lecteurs slovaques. Il arrive aussi que l’auteur change de genre et se dirige vers d’autres territoires, comme la littérature pour enfants ou les bandes dessinées, que nous ne publions pas.

 

Quels sont les titres ou les auteurs italiens qui ont le plus de succès auprès du public slovaque et, à votre avis, pourquoi ?

Ce ne sont que mes observations personnelles, mais j’ai longtemps eu l’impression que les écrivains les plus populaires auprès du public slovaque étaient Umberto Eco et Alessandro Baricco, en raison de la manière dont ils parviennent à jouer avec la langue et à franchir les frontières entre les genres littéraires. Puis sont arrivés Paolo Giordano et Paolo Cognetti. Actuellement, ce sont surtout les femmes écrivains qui ont du succès, avec des histoires fortes qui parviennent à investiguer l’expérience féminine à travers les générations, qui parlent de l’adolescence, de l’éducation comme outil d’émancipation, qui proposent une nouvelle interprétation des personnages historiques. 

 

Y a-t-il des titres ou des auteurs que vous aimeriez faire connaître en Slovaquie mais que vous n’avez pas encore eu l’occasion de présenter à la scène locale ?

Il y en a beaucoup.

 

Comment êtes-vous entré en contact avec la littérature italienne ?

Mes parents ont toujours aimé lire, bien qu’aucun d’entre eux n’ait étudié la littérature, étant plus enclins aux sujets techniques et scientifiques. À la maison, nous avions une riche bibliothèque avec des classiques et une série de prix Nobel, grâce à laquelle j’ai appris à connaître Luigi Pirandello, par exemple. Mais le tout premier contact avec la littérature italienne a été Pinocchio. Plus tard, grâce aussi au cinéma italien, j’ai découvert Alberto Moravia, Cesare Pavese – dont les journaux intimes et les réflexions sur l’écriture sont encore aujourd’hui parmi les meilleurs que j’ai lus -, sans oublier Elsa Morante, Dacia Maraini, Primo Levi, Curzio Malaparte. J’ai également rencontré Elena Ferrante et Andrea Camilleri par le biais du cinéma.

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