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8 février 2023

Entretien avec Claire Sabatié-Garat (The Italian Literary Agency)

Auteur:
Paolo Grossi

Claire Sabatié-Garat est née à Paris et vit en Italie depuis 1998. Elle a fait ses premiers pas dans l’édition chez Gallimard Jeunesse. Plus tard, elle a travaillé chez l’éditeur Tallandier en tant que rédactrice et assistante éditoriale pour les livres d’histoire. De 1999 à 2001, elle a été responsable des publications à l’Académie de France à Rome – Villa Médicis. En septembre 2001, elle a commencé à travailler en tant qu’agent littéraire avec Marco Vigevani et depuis 2006, elle est associée de l’agence. En 2015, The Italian Literary Agency est née de la fusion entre Agenzia Letteraria Internazionale, Luigi Bernabò Associates et Marco Vigevani & Associati, Agenzia Letteraria, dont elle est la directrice générale et associée. 

 

Par quel chemin êtes-vous arrivée à travailler en tant qu’agent littéraire?

Après une licence en anglais et un doctorat en histoire médiévale, en collaboration entre l’université de Nanterre à Paris et La Sapienza à Rome, j’ai quitté Paris pour m’installer d’abord à Rome, puis à Milan. J’ai toujours été une grande lectrice et une passionnée du monde de l’édition. En France, j’ai travaillé chez Gallimard Jeunesse, au quotidien Les Echos et chez Tallandier. En Italie, à l’Académie de France à Rome, j’ai géré des publications et des artistes contemporains, avant de rencontrer Marco Vigevani et de commencer avec lui comme agent littéraire un travail dans lequel je pouvais mettre à profit mes expériences passées, un profil international, un goût naturel pour la lecture et un intérêt pour la variété des aspects de ce métier.

 

Par rapport aux années de vos débuts professionnels dans le monde de l’édition, comment la situation de l’auteur a-t-elle évoluée? Autrefois, peu d’écrivains avaient un agent. Pourquoi aujourd’hui est-il devenu indispensable?

En fait, la situation a beaucoup changé. Lorsque j’ai commencé à travailler dans l’édition, peu d’auteurs avaient un agent et, en Italie, les agences se comptaient sur les doigts d’une main (pendant plusieurs décennies, l’agence la plus importante avait été l’Agenzia Letteraria Internazionale fondée par Augusto Foà en 1898, puis dirigée par son fils Luciano et plus tard par Erich Linder). En général, l’agent littéraire était une figure professionnelle plus courante sur le marché anglo-saxon. En Europe, de nombreuses agences ont travaillé en tant que co-agents pour le compte d’éditeurs ou d’agents étrangers. Mais la figure de l’agent principal, qui représente directement ses auteurs et les suit de la conception du projet à la vente et à la promotion des droits, s’est imposée au fil du temps. 

Il y a 20 ans, le marché était très différent, tout comme la structure des maisons d’édition. Aujourd’hui, le nombre de titres publiés par an a augmenté de façon spectaculaire, les groupes éditoriaux se sont développés, mais aussi de nombreuses maisons d’édition indépendantes ont vu le jour et se sont affirmées. Le monde de l’édition est au cœur d’une transformation accélérée et complète, qui touche les aspects créatifs, technologiques, de marketing et de distribution du secteur… et les auteurs doivent naviguer entre de nombreux interlocuteurs et des formes d’exploitation et de droits différents. 

Intermédiaire entre l’auteur et la maison d’édition, l’agent est le premier point de contact de l’auteur : il lit, conseille, se tient au courant, expérimente de nouvelles formes de communication pour offrir à ses clients un point de référence sûr dans un domaine en constante évolution. 

 

En Europe, la France semble être une exception : pourquoi, selon vous, une relation étroite entre l’auteur et l’éditeur semble encore prévaloir dans ce pays? 

La France semble être une exception car la structure des maisons d’édition est encore assez traditionnelle avec de véritables comités de lecture composés de membres internes, mais aussi de consultants externes (écrivains, intellectuels, traducteurs) qui recherchent, évaluent, choisissent et accompagnent les nouveaux auteurs et les nouvelles voix sur le chemin de la publication. La relation entre l’auteur et son éditeur est donc restée très « fusionnelle ».

Mais même en France, la situation évolue et, récemment, plusieurs agences littéraires ont vu le jour pour représenter les auteurs français en tant qu’agents principaux. La structure du marché français subit de profonds changements avec de probables fusions, acquisitions entre groupes, créant une plus grande distance dans la relation entre auteur et éditeur. Enfin, le marché secondaire des droits s’est beaucoup développé : livres de poche, audiovisuel, étranger, où les agents peuvent offrir des perspectives intéressantes.

 

The Italian Literary Agency compte parmi ses auteurs des noms importants, qui occupent le devant de la scène littéraire italienne. Certains d’entre eux sont passés par différentes agences. Comment « capter » la confiance d’un auteur, au point de le convaincre de changer d’agent? 

De nombreux auteurs établis travaillent avec nous depuis de nombreuses années, d’autres sont arrivés après avoir publié plusieurs livres sans être représentés par un agent, d’autres encore en suivant les conseils d’amis. Je crois que la relation entre un auteur et son agent découle d’une compréhension et d’une confiance mutuelles, d’une attention ciblée et de la capacité d’écouter et de guider, une sorte d’alchimie. En ce sens, c’est l’auteur qui vient à nous parce qu’il en ressent le besoin. En outre, notre agence consacre beaucoup d’attention à la recherche de nouvelles voix, une partie fondamentale de notre travail sur laquelle nous nous confrontons en interne avec des lectures croisées, des échanges d’opinions entre personnalités et agents d’âges, de goûts et d’intérêts différents.

 

Il y a le marché national et il y a le marché international : comment ces deux activités différentes sont-elles réparties dans l’agence?

Le marché national a conquis une part importante du secteur : les auteurs italiens sont lus, aimés, connus des lecteurs italiens. Le succès des salons du livre, des festivals littéraires et de diverses manifestations culturelles le prouve et soutient la circulation des livres et de leurs auteurs. Outre Marco Vigevani et moi-même, plusieurs agents (Chiara Piovan, Mariavittoria Puccetti, Elisa Beretta et Valentina Balzarotti) s’occupent des auteurs italiens pour le marché italien. On constate également un intérêt considérable pour les classiques du XXe siècle avec de nouvelles éditions, des redécouvertes et un grand dynamisme sur le marché des droits audiovisuels avec la multiplication des interlocuteurs entre producteurs italiens et internationaux. Ces dernières années, les auteurs italiens se sont également fait un nom à l’étranger parmi les classiques, les grands best-sellers, les maîtres du genre (polar italien, sagas familiales) et les voix importantes de la scène littéraire et non romanesque. Nous disposons d’une équipe consacrée à la promotion et à la vente des droits des auteurs italiens à l’étranger, avec un vaste réseau de contacts et de co-agents internationaux.

 

Le succès d’un écrivain dans son pays ne se traduit pas immédiatement par un succès au-delà des frontières. Quel «type» d’écrivain se vend bien à l’étranger? Celui qui est plus fortement marqué par ses origines nationales (en d’autres termes, celui qui est plus «italien») ou celui qui est plus international? 

Le succès international d’un auteur se construit en plusieurs étapes : la vente des droits dans différentes langues et le succès effectif et la reconnaissance de l’auteur dans les différents pays, grâce aux critiques, aux ventes et aux prix. Sans tous ces éléments, les ventes à l’étranger pourraient ne concerner qu’un seul titre et être, par cela même, éphémères. On ne peut pas définir un type d’écrivain qui se vend bien à l’étranger, mais il est certain que la force de l’intrigue, le caractère unique de la voix, sont des éléments essentiels. L’exploration de l’Histoire qui résonne dans le présent, le récit méticuleux d’une réalité italienne, même de niche, pour raconter des relations humaines qui ont une dimension universelle sont d’autres aspects intéressants des livres italiens qui sont aujourd’hui traduits dans le monde entier, atteignant parfois plus de 30 ou 40 pays.

Le succès dans le pays d’origine est important, mais il ne suffit pas, et certains auteurs peuvent parfois avoir même plus de succès à l’étranger qu’en Italie.

 

À la lumière de votre expérience, quelles tendances voyez-vous émerger dans la fiction italienne ces dernières années? La littérature de genre va-t-elle continuer à prendre de l’importance?

Ces dernières années, la fiction italienne a vu se renforcer une production de haute qualité, qui si situe au croisement du polar, du thriller et de la fiction de divertissement. Récemment, les comédies romantiques nées dans la sphère des médias sociaux se sont hissées en haut du palmarès des meilleures ventes. De nombreux auteurs se sont penchés sur l’histoire, les contradictions et les tragédies du XXe siècle pour mieux comprendre leur présent et les défis de l’avenir. Les questions d’identité et de relations familiales, les figures des pères, sont également au cœur des intrigues des romans de ces dernières années. Lorsque la littérature contemporaine parvient à capter l’esprit du temps, entre rêves, désillusions et nouveaux défis, et à le raconter à travers une histoire, elle peut gagner de nombreux lecteurs en Italie et à l’étranger.

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