Entretien avec Jean-Baptiste Passé (Festival du livre de Paris) et Fabio Gambaro (Festival Italissimo)
Auteur: Federica Malinverno, Actualitté
A-t-il été difficile de reprendre l’héritage des festivals précédents et de faire face à la nécessité de reporter l’invitation à l’Italie à cause de la pandémie ?
JBP : Par rapport aux éditions précédentes, il s’agit pour moi d’un héritage positif que j’ai été heureux de recueillir. En fait, c’est une opportunité extraordinaire que l’Italie soit le « Pays à l’honneur », c’est une invitation d’un intérêt exceptionnel et nous travaillons avec les institutions italiennes depuis avril 2022.
FG : L’événement a été reporté, mais depuis le début il y a toujours eu la même volonté de la part des éditeurs et des auteurs italiens de mener à bien cette initiative. Dans la perception italienne, le fait que l’Italie soit l’invitée d’honneur du Festival du livre de Paris est très important en termes de visibilité et d’échanges.
Comment s’est déroulée la coordination entre le Festival du livre de Paris et le Festival Italissimo, une manifestation qui existe depuis longtemps et qui a été créée pour promouvoir la production littéraire italienne en France ?
JBP : Italissimo, qui existe depuis huit ans, a pour objectif de développer et de favoriser les relations entre les éditeurs de part et d’autre des Alpes. Fabio Gambaro a accepté de s’aligner sur nos dates, qui sont une contrainte de notre manifestation. Cela a permis de donner une cohérence à l’ensemble du programme et de rendre ses parcours intelligibles. C’est une de mes obsessions : le programme doit être intelligible.
FG : Depuis huit ans, avec Italissimo, nous avons non seulement accumulé de l’expérience, mais aussi consolidé des relations avec des lieux emblématiques de la capitale. Cette année, ces lieux clés sont également au service du programme italien tout au long de la semaine. Par exemple, le lundi 17 avril, le théâtre de l’Odéon accueillera le spectacle Le voci di Dante avec Toni Servillo, produit par Il Piccolo Teatro di Milano et le ministère des Affaires étrangères. Avec le Festival du livre, nous avons créé une véritable relation de collaboration, de coopération.
Qui gère le programme italien du Festival du livre de Paris ? Quels sont ses principaux objectifs ?
FG : Le Festival s’est occupé de la préparation du pavillon et de tout le contexte, au niveau structurel, mais la programmation, c’est-à-dire le choix des auteurs et des thèmes, a été gérée directement par l’AIE (Association des éditeurs italiens). Nous avons réussi à inviter 49 auteurs, mais il est vrai que chaque inclusion entraîne une exclusion, c’est la règle du jeu. Et chaque exclusion est douloureuse pour nous, l’éditeur et l’auteur.
En général, l’objectif du programme italien est de présenter dans sa globalité la variété du panorama éditorial italien, un panorama un peu différent du panorama français, c’est-à-dire beaucoup moins concentré, du moins sur le plan géographique.
Ensuite, il y a la question des tranches d’âge, c’est-à-dire des jeunes, des écrivains qui ne sont pas encore établis en France et que nous voulons promouvoir, à côté d’auteurs déjà connus. C’est toujours un équilibre difficile à gérer.
JBP : Il ne faut pas oublier un autre critère qui guide le choix des personnalités invitées au Festival : celui de l’édition de nouveautés, c’est-à-dire d’œuvres d’auteurs italiens qui seront bientôt disponibles en traduction en France.
Y aura-t-il un espace dédié à la vente des droits étrangers pendant le Festival ?
JBP : La question de la vente des droits est complexe. Lors de la journée professionnelle du vendredi 21 avril, il y aura des rencontres B2B entre éditeurs français et italiens, mais dans les prochaines éditions, nous souhaitons organiser une véritable session d’échanges et de ventes de droits. C’est l’un de nos objectifs pour 2024.
FG : En effet, il n’y a rien de mieux qu’une rencontre en face à face pour expliquer les qualités et les caractéristiques d’un livre. À mon avis, la rencontre entre professionnels est un facteur important pour donner un visage humain à la relation au livre.
Quels sont les secteurs de l’édition représentés au Festival ?
FG : La plupart des écrivains invités au Festival appartiennent au monde de la littérature : c’est aussi un peu la demande du public et la règle du jeu de cette manifestation. D’autres secteurs sont moins représentés pour une question d’espace, ou disons de géométrie euclidienne. Une limite – spatiale et temporelle – qui est commune à tous les événements.
JBP : En effet, le programme italien prévoit 25 rencontres avec des auteurs en 32 heures. Après tout, les auteurs des autres secteurs de l’édition sont souvent un peu moins identifiés par le public. Par ailleurs, l’oralité de la manifestation limite à mon avis les segments du livre illustré : je me rends compte qu’il n’est pas si facile de faire parler les illustrateurs, en dehors des dédicaces… Bref, le Festival ne peut pas tout faire : il a certes un fort pouvoir symbolique, mais il ne peut pas résumer la totalité de l’édition française ou italienne.
Quel est l’espace dédié aux éditeurs indépendants ?
JBP : Il y a eu pas mal de polémiques sur la question des éditeurs indépendants. J’ai récemment participé aux Assises de l’édition indépendante française, à Aix-en-Provence. La question reste d’actualité et je continue à travailler avec les représentants et les agences régionales du livre pour accroître la variété bibliographique et la représentativité de l’ensemble de l’édition française au Festival. La région Ile-de-France sera présente au Festival de manière assez massive et cohérente et, par exemple, l’Association des éditeurs de Nouvelle Aquitaine viendra sans le soutien de sa région.
Quelles sont les valeurs du Festival du livre de Paris ? La liberté d’expression et l’indépendance, sujets d’actualité littéraire et politique, seront-elles abordées pendant le Festival ?
JBP : L’humilité est sans doute l’une des premières valeurs. En fait, si je devais défendre une valeur, ce serait celle du discernement, du travail, de la lecture, c’est-à-dire accepter de se confronter à des choses auxquelles on s’attend moins.
Concrètement, la liberté d’expression sera un thème véhiculé par le Festival, et non un thème à part entière. Bien que, de manière générale, le thème de la liberté d’expression soit central, il est presque intrinsèque au Festival. À partir du moment où nous essayons de promouvoir la lecture, nous affirmons la liberté, la liberté d’expression et la liberté de conscience. Mais plus que la liberté de conscience, il s’agit de se demander : la liberté pour quoi faire ? Comment nourrir cette liberté ? C’est la question que je me pose.