entretiens
26 octobre 2020

Deux librairies italiennes à Berlin

Deux librairies italiennes à Berlin

Dante Connection existe dans sa forme actuelle depuis 1994. C’est une librairie indépendante située dans le quartier de Kreuzberg, au 165a Oranienstrasse. 

Mondolibro/ a Livraria est née en 2006 comme une librairie spécialisée en langue et littérature portugaises qui, deux ans plus tard, a inauguré un secteur de livres italiens. Elle dispose d’une salle en sous-sol où sont organisés des rencontres, des présentations de livres et des spectacles pour les enfants. Elle se trouve en centre-ville, 159 Torstrasse. 

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Vos librairies vendent-elles seulement des livres en édition originale ou vendent-elles également des livres italiens en traduction allemande ?

Dante Connection

Les deux. Notre secteur littérature italienne est composée de livres en édition originale, en italien et en allemand, en plus de nombreuses traductions de l’italien vers l’allemand et de l’allemand vers l’italien. Notre librairie n’est pas à 100% italienne : nous vendons, en effet, principalement des titres allemands. 

Mondolibro/ a Livraria

Nous vendons surtout des livres italiens en édition originale, nous donnons une large place aux livres bilingues italien-allemand ; nous proposons également des livres italiens d’occasion (plus ou moins cinq fois par an nous organisons un petit marché du livre d’occasion). Nous avons aussi un secteur de livres italiens en traduction allemande. 

Sur quels critères choisissez-vous votre sélection de livres italiens et quelle est la part entre la littérature, les essais, la bande dessinée et les livres pour enfant ?

Dante Connection

Nous cherchons à avoir toujours de nombreux classiques en librairie, une sélection de nouveautés intéressantes et les livres que nous avons lus et appréciés. Nous surveillons de près les éditeurs indépendants pour ne pas manquer les dernières sorties. Voici nos critères de base pour choisir nos livres. Nous lisons (et donc nous vendons) surtout du roman, pour un public adulte, mais aussi pour les enfants et les adolescents, sans ignorer toutefois les autres genres. Essais et bande dessinée sont aussi présents sur nos étagères, mêmes si les romans et les livres illustrés y ont la part belle ; dans ce dernier cas, il s’agit de livres pour les enfants, une des figures de proue de notre sélection. 

 

Mondolibro/ a Livraria

Nous entendons donner de la visibilité aux maisons d’édition indépendantes, comme nous travaillons d’ailleurs sur les thèmes comme les migrations, le bilinguisme, le racisme, l’antifascisme, Berlin …  Sur ces critères, nous choisissons les livres que nous proposons à nos lecteurs, tout en suivant les conseils et les demandes de nos clients. Les classiques et les nouveautés en matière de roman ne manquent pas. Essais, livres pour les enfants et les adolescents sont très demandés (à Berlin, il y a onze crèches italo/allemandes). La bande dessinée y a toute sa place. 

 

Quels sont les auteurs italiens qu’on vous demande le plus souvent ?

Dante Connection

En plus des œuvres d’auteurs essentiels du XXème siècle, en langue originale et en traduction (Bassani, Calvino, Ginzburg, Levi, Maraini, Morante, Pavese, Pasolini, Ortese, Sciascia etc.), et d’auteurs au succès plus récent (Ammaniti, Benni, Camilleri, Carofiglio, Cognetti, De Luca, Di Pietrantonio, Ferrante, Janeczek, Melandri, Murgia, Parrella, Rovelli, Rumiz, Terranova, Wu Ming etc.), nous sommes fiers de pouvoir dire que les livres les plus demandés sont ceux que nous conseillons. Il nous arrive souvent, en effet, de suggérer un auteur, puis de vendre ses œuvres à de nombreuses reprises. Réussir à transmettre la passion, promouvoir la beauté ; tout cela marche encore ! Nous conseillons et nous vendons souvent deux auteurs italiens qui nous sont chers : Goliarda Sapienza et Michele Mari.

Mondolibro/ a Livraria

Elena Ferrante est beaucoup lue de même que Francesca Melandri (Sangue giusto), Italo Calvino, Amara Lakhous, Andrea Camilleri et Antonio Manzini. Les livres d’auteurs qui viennent à Berlin sont toujours disponibles. 

 

D’après vos expériences respectives, quelles initiatives jugez-vous particulièrement utiles pour capter l’attention du public et conquérir la fidélité des clients ?

Dante Connection

À la base, il faut lire, connaître les livres présents en libraire et les apprécier. Pour pouvoir donner de bons conseils, il est très important de savoir aussi observer et comprendre ce que le client cherche. De plus, c’est toujours génial et utile d’organiser des rencontres avec les auteurs, ce que nous faisons régulièrement (ave des auteurs italiens) et en ce moment ça nous manque beaucoup. Pour fidéliser un lecteur, il faut avant tout lui offrir ce que le commerce en ligne ne lui donnera jamais : le contact humain, l’échange intellectuel, le dialogue. Il est aussi nécessaire d’être présent en ligne et de communiquer avec le public à travers notre page web et les réseaux sociaux. 

Mondolibro/ a Livraria

Nos clients apprécient beaucoup le fait que nous puissions commander rapidement n’importe quel titre. Nous recevons des envois depuis l’Italie chaque semaine. Lorsque nous organisons des rencontres avec les auteurs, nous cherchons toujours d’impliquer les lecteurs en leur donnant la possibilité de proposer eux-mêmes quels auteurs inviter. Nous collaborons beaucoup avec les écoles italiennes, les crèches et les ONG présentes à Berlin.

 

De votre point de vue de libraire, quelles sont les initiatives « structurelles » qui pourraient être prises en Italie pour promouvoir la vente des livres italiens à l’étranger ?

Dante Connection

Le plus gros obstacle à la diffusion des livres italiens à l’étranger c’est le coût élevé de l’achat en Italie. Taxes et frais de port font qu’il est nécessaire d’augmenter les prix en librairie, surtout pour les titres achetés auprès de grossistes et non directement auprès des maisons d’édition. 

La présence éparse sur tout le territoire national italien de différents distributeurs complique notablement l’achat des titres, ralentit les délais et le flux des commandes. En Allemagne c’est tout l’inverse. Les distributeurs sont regroupés et opèrent dans le pays ; ils permettent d’assurer et de distribuer les commandes très rapidement (1-2 jours) : ce type de service, s’il existait en Italie, pourrait faciliter le commerce du livre avec les pays étrangers. 

De plus, nous-mêmes, libraires et lectrices, nous aimerions recevoir des informations de la part des maisons d’édition italiennes : il nous est difficile, en effet, de suivre les nouveautés en nous fiant aux seuls contenus en ligne. 

J’ajoute qu’il serait bon que le réseau de diffusion de la culture italienne en Europe et dans le monde s’élargisse, prenant mieux en compte les réalités indépendantes comme les petits centres culturels, les librairies, les festivals et les associations qui s’occupent de culture et de littérature italienne, en déplaçant le centre de gravité hors des ambassades et des instituts culturels italiens (même s’ils occupent une place capitale). Pour cela, il serait utile d’avoir une communication plus intense entre les acteurs culturels en plus de l’obtention de financements et de la réalisation de projets communs.

Espérons que la Frankfurter Buchmesse de 2024, qui aura l’Italie comme invitée d’honneur, puisse amorcer un courant de nouveautés positives et renforcer les rapports déjà étroits – même si c’est encore insuffisant – entre l’Italie et l’Allemagne. 

Mondolibro/ a Livraria

La librairie doit être considérée comme un avant-poste culturel, notre travail est très important, nous sommes la vitrine de l’Italie l’étranger, une voix qui compte. 

Je souhaite que le programme culturel de la librairie (par exemple, les revues, les festivals) soit reconnu par les institutions italiennes et qu’il y ait plus d’interactions entre les programmes européens pour l’incitation à la lecture ; des interventions de promotion de rencontres avec les auteurs, en librairie ou dans les écoles ; des moments de dialogue entre les auteurs ou les maisons d’édition de langue italienne avec les auteurs et les maisons d’édition allemands. 

J’espère que le nouveau site newitalianbooks sera une sorte de rampe de lancement pour des initiatives de cette sorte … Autre chose à souhaiter : parvenir à avoir un lien direct avec différentes maisons d’édition italiennes. J’ai souvent la sensation qu’il n’y aurait aucun intérêt pour elles à avoir des relations commerciales avec nous. Si les maisons d’édition italiennes pouvaient recevoir une aide économique pour les frais de port à l’étranger, cela changerait peut-être quelque chose. 

Deux librairies italiennes à Berlin
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