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15 janvier 2025

Éditeurs italiens à l’étranger.
Entretien avec Lorenzo Rocca, responsable des droits et de la coordination éditoriale des marques étrangères des édition Mimesis

Auteur: Paolo Grossi

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Entretien avec Lorenzo Rocca, responsable des droits et de la coordination éditoriale des marques étrangères des édition Mimesis
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Depuis quelques années, la maison d’édition Mimesis Edizioni publie des titres en français, en anglais et en allemand à travers la création à l’étranger de filiales, respectivement « Éditions Mimesis », « Mimesis International » et « Mimesis Verlag ». Pourquoi ce choix et avec quels objectifs ?

 

La première expérience a commencé dès 1999, avec une petite production de titres en français pour les universités, qui est devenue au fil des ans un programme d’édition à part entière en coédition avec Vrin. En 2014, les Éditions Mimésis sont devenues autonomes en termes de promotion et de distribution et ont commencé leur parcours en tant que maison d’édition française du groupe Mimesis. Aujourd’hui, elles publient 45 nouveaux titres par an, en privilégiant les auteurs français et en traduisant certains titres de notre catalogue italien.

Sur la base de ces expériences, « Mimesis International », la marque d’édition pour le monde anglophone, a été lancée en 2013, suivie par la petite maison d’édition allemande « Mimesis Verlag ».

Cette volonté d’internationalisation s’explique par des raisons culturelles : nous sommes une maison d’édition dédiée à la non-fiction et aux sciences humaines, spécialisée dans la philosophie, et pour nous, la recherche des sources dans leur langue d’origine, ainsi qu’un intérêt général pour la production éditoriale étrangère, représentent le point de départ de notre travail. Cette perspective cosmopolite a soutenu notre volonté de croissance au fil des ans : en Italie, en enrichissant notre catalogue de traductions importantes – Edgar Morin, Alain Badiou, Slavoj Zizek, Judith Butler, Roland Barthes, pour n’en citer que quelques-unes – et à l’étranger, en renforçant directement notre présence sur le marché de l’édition.

 

 

Quel premier bilan, provisoire, pensez-vous pouvoir faire, quelque 10 ans après la diffusion des marques « Éditions Mimesis », « Mimesis International » et « Mimesis Verlag » ?

 

Il est très positif. La création de ces marques associées a permis de nouer des relations importantes avec des auteurs et des centres de recherche étrangers, de développer un réseau plus large de directeurs de collection, de rédacteurs en chef et de traducteurs. Elle nous a également permis de toucher les systèmes éditoriaux d’autres pays : de la France – à bien des égards proche de nous, et pas seulement géographiquement – où les lecteurs sont curieux, passionnés et ont le culte du bon livre, en termes de contenu et de fabrication, à la réalité plus lointaine et complexe du très encombré marché anglophone où les grands groupes d’édition et de distribution en contrôlent de larges pans.

 

 

Quelle est la place réservée aux titres d’auteurs italiens dans les catalogues internationaux de Mimesis ?

 

Aux « Éditions Mimésis » (France), nous essayons de maintenir un équilibre : nous ne voulons pas être de simples « importateurs » de titres italiens. Bien que le marché soit curieux des auteurs italiens – il y a toujours eu un lien profond entre l’Italie et la France d’un point de vue culturel – les lecteurs sont moins orientés vers l’étranger, nous devons en quelque sorte les « inviter à lire », les fidéliser. Ainsi, alors que nous publions le dernier essai de Jean-Loup Amselle, maître de l’anthropologie française contemporaine, L’Occident connaît la musique. Musiques du monde et ethnomusicologie, nous proposons en parallèle la traduction de deux essais du grand sociologue Franco Ferrarotti – Science et conscience et La sociologie, vision d’ensemble   récemment disparu et auquel nous rendons un hommage affectueux et reconnaissant.

De même, dans le domaine philosophique, alors que nous publions le dernier ouvrage de Françoise Dastur, Prix de Philosophie 2023 de l’Académie française, Pour une pensée sans frontières. Entre Orient et Occident, et d’autre part nous avons eu le plaisir de faire venir Luciano Floridi en France, en traduisant son ouvrage L’Etica dell’intelligenza artificiale.

Avec Mimesis International, qui se caractérise par une production plus nettement académique, nous accordons beaucoup d’espace aux chercheurs et auteurs italiens, en vue de l’internationalisation de la recherche italienne qui, grâce à la langue anglaise, rend ses contenus consultables par un public beaucoup plus large. L’exemple qui incarne peut-être le mieux cet esprit est celui de la revue philosophique Chiasmi, qui en est à son 25e numéro et qui, depuis sa création, a publié chaque article, dans l’édition imprimée comme dans l’équivalent numérique, en trois langues : anglais, français et italien.

 

 

Quels projets envisagez-vous, à court ou à long terme, pour consolider cette projection vers l’international ?

 

Nous avançons dans différentes directions, en suivant également les caractéristiques des différents marchés nationaux. En France, où les chaînes de librairies n’ont pas le poids qu’elles ont en Italie et où, au contraire, la galaxie des librairies indépendantes est solide et représente le cœur du réseau de vente, nous nous efforçons précisément de consolider notre relation directe avec les libraires et, en même temps, d’être plus présents dans la presse, afin d’accroître la circulation des nouveaux titres et des nouveaux auteurs.

Face à l’intérêt croissant pour notre catalogue, nous développons surtout des nouveautés plus agiles, plus populaires et, si possible, de petit format, de véritables livres de poche. C’est le cas du récent L’éthique de l’intelligence artificielleexpliquée à mon fils  d’E. Panaï   un véritable pamphlet qui introduit le débat sur l’IA sans demander au lecteur des connaissances préalables sur le sujet – ou du récit photographique Sous les remparts de Jérusalem de Tano D’Amico, (hélas) très actuel et vraiment émouvant.

Au Royaume-Uni et aux États-Unis, en revanche, la non-fiction académique évolue de plus en plus sur une double voie : le libre accès d’une part et l’impression à la demande d’autre part. Ce sont deux voies que nous renforçons et qui s’entrecroisent souvent – car, en fin de compte, il y a toujours le désir d’avoir le livre papier entre les mains. Et si elles ont incontestablement contribué à accélérer l’internationalisation de la recherche, elles ouvrent aussi de nouveaux défis pour la distribution et la durabilité économique de la « machine éditoriale ».

 

 

Lorenzo Rocca

J’ai obtenu mon diplôme en sciences philosophiques en 2016. De formation phénoménologique (en particulier Edmund Husserl, Martin Heidegger et Eugen Fink), je me suis consacré, après l’université, à la psychanalyse, en particulier à la psychanalyse de l’enfant (de Melanie Klein à Esther Bick, en passant par Wilfred Bion). Pour Mimesis Edizioni, je suis responsable du bureau des droits et de la coordination éditoriale des marques étrangères – avec une attention particulière pour nos titres italiens de psychologie.

 

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