Storia naturale del tatto

« Le toucher précède la vue et le langage », écrit Margaret Atwood dans son roman Le Tueur aveugle. « C’est le premier et le dernier sens, et il dit toujours la vérité. » Notre biologie le confirme. Le toucher est le sens par lequel nous rencontrons le monde et le dernier à nous quitter lorsque nous sommes aux portes de la mort. Des cinq sens, c’est le plus omniprésent et il se manifeste de manières profondément différentes. Il nous informe sur les forces physiques qui agissent sur nous, comme la température et la pression, et nous permet d’établir un contact significatif avec les autres. Mais surtout, par le toucher de nos mains, nous sommes capables d’exprimer et de transmettre des émotions : aucun autre sens n’a en effet les pouvoirs bénéfiques d’une caresse affectueuse envers un enfant ou un partenaire, qui le rendent fondamental dans la formation de notre identité. Et pourtant, c’est aussi pour cela que le toucher est le sens qui, plus que tout autre, module ses limites sur les conventions morales. Au fil du temps, notre façon d’interagir avec les autres a constamment évolué et le toucher est devenu à la fois un outil de transformation et une lentille à travers laquelle lire la société. Il suffit de penser à la façon dont les échanges physiques ont changé après #MeToo ou Covid : l’introduction de la distanciation sociale, la limitation des poignées de main et l’interdiction des embrassades, ou encore la reconnaissance du toucher comme un outil coercitif et déstabilisant. Dans cette singulière Histoire naturelle du toucher, Laura Crucianelli, neuroscientifique et professeure d’université, mêle son expérience de la recherche clinique et ses lectures, ses études de psychologie et l’actualité, dressant le portrait surprenant et inédit du premier sens, le plus sous-estimé.