Entretien avec Silvia Costantino et Francesco Quatraro (maison d’édition effequ)
Auteur: Laura Pugno
Ce nouveau volet de la série d’entretiens de newitalianbooks avec des directeurs, des rédacteurs et des éditeurs de maisons d’édition italiennes se poursuit avec la maison d’édition effequ (c’est ainsi qu’elle s’écrit, en minuscules et en rond), et les deux voix de Silvia Costantino et Francesco Quatraro, directeurs éditoriaux, qui répondent ensemble.
Comme toujours, la question est la suivante :
« Comment expliqueriez-vous l’identité de la maison d’édition effequ aux lecteurs de newitalianbooks à l’étranger ? Quelles sont ses caractéristiques et ses points forts ? Quels sont les paris, littéraires ou autres, qui ont le mieux fonctionné en Italie et éventuellement dans d’autres pays, et à votre avis, pourquoi ? »
Il est peut-être plus facile de dire ce que nous ne sommes pas, ce que nous ne voulons pas. Ce qu’effequ n’est pas, donc : effequ n’est pas une maison d’édition indépendante, parce qu’elle dépend beaucoup d’une série de facteurs qu’elle ne contrôle pas (distribution, promotion, choix des lecteurs et des libraires) ; effequ n’est pas une maison d’édition de qualité, parce que nous savons très bien que la qualité est une notion relative ; effequ n’est certainement pas une maison d’édition courageuse, parce qu’elle fait toujours très attention à ne pas mordre plus que ce qu’elle peut mâcher. En bref, nous ne voulons pas nous décrire d’une manière égocentrique et hautaine : ce que nous sommes et ce que nous voulons, c’est construire une proposition solide et honnête qui reflète nos intérêts et notre façon d’agir, de penser, de lire et d’explorer.
Nous aimons nous définir comme « une maison d’édition biscornue », reprenant l’idée d’une transversalité qui s’oppose à un chemin droit et préétabli, qui se permet de s’égarer et qui, en fait, parcourt l’éventail infini des possibilités du présent.
C’est pourquoi notre fiction italienne, les « Rondini », est si difficile à définir et à situer : elle ne suit pas un genre spécifique, mais cherche des voix et des noms qui peuvent définir un sentiment, une sensation. Dans la même collection, qui prévoit la publication de seulement quatre titres par an, on trouve ainsi un roman expérimental dans le langage et l’imagerie, comme Questo è il corpo de Simone Marcelli Pitzalis, à côté d’un roman beaucoup plus classique et populaire comme Maria Malva d’Emiliano Dominici, d’un livre qui n’a rien à voir avec l’intrigue et qui s’intéresse beaucoup à la langue et à la voix comme Padre occidentale de Simone Lisi et d’une autre incursion dans le fantastique comme la trilogie Dorsale de Maria Gaia Belli ou la dystopie subtile de Marianna Crasto dans Il senso della fine. Ce sont des livres qui semblent éloignés les uns des autres, mais qui sont au contraire unis par le besoin de regarder le présent d’une manière latérale, de raconter une expérience, même si elle est pulvisculaire, mais liée au tissu de notre imagination, de notre territoire, et dans tous les cas avec un langage nettement personnel qui ne souffre pas de maniérismes abusifs.
Plus facilement identifiable et plus claire dans ses intentions est la non-fiction, ce que l’on appelle les « Saggi pop » : une recherche continue qui vise à examiner avec autorité mais de manière accessible tous les aspects de notre présent complexe et en constante accélération, en traçant ses distorsions, certes, mais aussi ses élans positifs, et en essayant d’identifier des solutions qui s’expriment souvent dans un retour insistant à la collectivité et au partage. Il s’agit d’une série au positionnement politique clair, à l’image des personnes qui la dirigent : effequ est une maison d’édition transféministe et libertaire, résolument opposée à toute forme d’oppression et de contrôle des minorités. C’est pourquoi ses livres les plus connus comprennent des titres tels que le best-seller Per una rivoluzione degli affetti de Brigitte Vasallo, mais aussi Eccentrico. L’autismo in un saggio autobiografico di Fabrizio Acanfora, sans oublier le titre qui a fait scandale et a alimenté des années de discussions – certes assez vaines – dans la presse italienne : Femminili singolari de Vera Gheno.
Et puis il y a les autres projets, ceux qui sont encore plus nettement expérimentaux : la revue Calibano, que nous produisons et éditons avec le Teatro dell’Opera de Rome et qui ne parle pas du tout d’opéra, mais l’utilise comme un prisme pour réfléchir et éclairer le présent ; la série « Elettra », de petits livres de poche qui étudient la relation entre les narrateurs féminins et les récits du père en le plaçant au centre ; la série « Scatoline », des essais alphabétiques pour les très jeunes et les très jeunes, chaque numéro étant un mot d’usage courant, analysé et exploré de manière à révéler les mondes qu’il contient.
La maison d’édition effequequ produit presque exclusivement de la littérature et de la non-fiction italiennes, à l’exception d’un essai traduit par an, mais la double acquisition, en anglais et en espagnol, de Menti parallele de Laura Tripaldi – un texte complexe, riche, dense et futuriste – nous montre que la voie de la transversalité est celle qu’il faut emprunter. Et si elle est de plus en plus difficile pour la fiction, en raison des facteurs de dépendance mentionnés plus haut, l’intention reste de persévérer, de chercher, d’expérimenter à nouveau.