Il mare non bagna Napoli
Auteur: Ana Cláudia Santos

newitalianbooks demande chaque mois à un traducteur
de proposer un livre qu’il aimerait traduire.
Ce mois-ci, Ana Cláudia Santos,
traductrice de l’italien vers le portugais, présente :
Anna Maria Ortese
Il mare non bagna Napoli
Milano, Adelphi, 1994
(première édition: Turin, Einaudi, 1953)
Anna Maria Ortese, née à Rome en 1914, a longtemps vécu à Naples et connaissait bien la ville. Ce livre a été critiqué et mal compris, comme l’affirme l’auteure elle-même dans sa préface de 1994, lors de la réédition du livre : « Il a malheureusement été jugé comme un livre « contre Naples ». Il s’agit pourtant d’un livre d’amour désespéré pour une ville dévastée par la guerre. Dans cette préface, « Il Mare come spaesamento » (La mer comme dépaysement), Ortese explique : « L’écriture de Mare a quelque chose d’exalté, de fiévreux, elle tend vers les tons élevés, elle frôle l’halluciné : et presque à chaque page, malgré sa rigueur, elle présente quelque chose de « trop ».
Dans la première nouvelle, « Un paio di occhiali » (Une paire de lunettes), Ortese montre une Naples où l’obscurité des ruelles, la misère humaine, morale et matérielle, composent l’image d’une ville maritime où la mer ne se voit ni ne s’entend, où le soleil lui-même semble ne pas arriver et où « il vaut mieux ne pas voir le monde plutôt que de le voir ». Eugenia, une petite fille pauvre et pratiquement aveugle, veut voir toutes les merveilles du monde et place tous ses espoirs de bonheur dans une paire de lunettes. Une tante l’accompagne chez un opticien de la via Toledo ; après avoir essayé les lunettes, pendant un instant, la petite fille ne voit plus que des signes de civilisation et de gentillesse, de beaux sourires, de belles dents, des magasins dont les vitrines brillent comme des miroirs. C’est ce monde magnifique qu’Eugenia veut voir, « le monde créé par Dieu, avec le vent, le soleil et, au loin, la mer propre et grande ». Mais quand Eugenia met enfin ses lunettes, sa réaction à ce qu’elle voit autour d’elle est très amère.
J’aimerais tellement traduire ce texte magnifique ! À ma connaissance, le seul livre d’Anna Maria Ortese qui ait été traduit au Portugal est L’iguana. Espérons qu’un jour, les ombres et les ténèbres de Il mare non bagna Napoli verront le jour en portugais.
Ana Cláudia Santos est écrivaine et traductrice. Elle a traduit, entre autres, des œuvres de Giambattista Vico, Carlo Collodi, Sergio Solmi, Italo Svevo, Carlo Levi, Fleur Jaeggy, Alba de Céspedes et Natalia Ginzburg. Elle a travaillé pour les Presses universitaires de Lisbonne et enseigné le portugais à l’université de Pise. Elle est titulaire d’un doctorat en théorie littéraire de l’université de Lisbonne. Son premier recueil de nouvelles, A Morsa – Contos de Inocência e de Violência [Le Morse – Contes d’innocence et de violence], a été publié en 2022, et son deuxième ouvrage, un court roman intitulé Lavores de Ana [Les travaux d’Ana], vient de paraître.
