Paris : les éditeurs français redécouvrent le XXe siècle italien
Auteur: Luigi Visconti
Si l’édition française a toujours porté une attention particulière aux livres italiens contemporains (comme en témoigne le nombre croissant de traductions : environ 500 en 2023), on assiste depuis peu à un vif retour d’intérêt pour les grands auteurs du XXe siècle. La preuve en est fournie non seulement par les titres récemment parus chez des éditeurs plus ou moins traditionnellement sensibles à la littérature italienne du siècle dernier (nous pensons notamment aux Cahiers de l’Hôtel de Galliffet, qui ont fait paraître des textes inédits de Romano Bilenchi, Giorgio Caproni, Italo Calvino, Giorgio Bassani; aux Éditions de la Conférence, qui viennent de publier le Diario (Journal 1939-1945) de Piero Calamandrei ; à Nous, qui a enrichi son catalogue d’un recueil de nouvelles de Leonardo Sciascia, Le feu dans la mer ; à Verdier, fidèle éditeur des œuvres de Giani Stuparich, qui présente cette année en librairie Un anno di scuola (Une année d’école) ; à La Fosse aux Ours, qui invite à la redécouverte d’un livre de Lorenzo Viani, Le chiavi nel pozzo (Les clés dans le puits) ; à Cambourakis , qui a réédité Appunti partigiani (La louve et le partisan) de Beppe Fenoglio ; à Ypsilon, qui propose une nouvelle traduction de Mai devi domandarmi (Ne me demande jamais) de Natalia Ginzburg et la première traduction de Diario ottuso (Journal obtus), le seul livre en prose d’Amelia Rosselli) mais aussi par des livres qui, sous des angles différents, mettent en lumière de grands auteurs italiens du siècle dernier : de l’extraordinaire Le célibataire absolu de Philippe Bordas (Gallimard), une œuvre hors-norme, le récit d’une passion dévorante pour un écrivain, Carlo Emilio Gadda, que la culture française a toujours eu du mal à métaboliser ; au tout récent Hôtel Roma (Gallimard), dans lequel Pierre Adrian retrace l’itinéraire existentiel et littéraire de Cesare Pavese. D’importantes redécouvertes, comme celle de Libero Bigiaretti, auteur presque oublié en Italie et dont L’Arbre vengeur propose courageusement un titre clé comme Uccidi o muori (Tuer ou mourir) dans la traduction de Jean-Pierre Pisetta, participent également de cet intérêt retrouvé pour le XXe siècle italien. Quant à Goliarda Sapienza, dont le succès en Italie a été favorisé précisément par la grande résonance que son chef-d’œuvre, L’arte della gioia, a reçue en France, les éditions Le Tripode font paraître cette année une large sélection de sa correspondance, de 1950 à 1996 (Miroirs du temps). Un numéro monographique de la prestigieuse revue Critique est consacré à Pier Paolo Pasolini : édité par Martin Rueff, il comprend des textes pasoliniens inédits en France et des contributions de critiques italiens et français, de René de Ceccatty à Gianluigi Simonetti. Digne d’une mention toute particulière est enfin l’exploit exceptionnel de Monique Baccelli et Antonio Werli, traducteurs d’un des livres les plus difficiles linguistiquement du XXe siècle italien : Horcynus Orca de Stefano d’Arrigo (Éditions Le Nouvel Attila). Quant à l’année 2025, les Cahiers de l’Hôtel de Galliffet annoncent des inédits de Rocco Scotellaro, Giovanni Testori, Pier Paolo Pasolini… Bref, pour les éditeurs français, le Novecento italien est un territoire qui peut encore réserver bien des surprises.