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7 juin 2022

Entretien avec Alex Valente, traducteur littéraire de l’italien vers l’anglais

Auteur:
Katherine Gregor, traductrice littéraire de l'italien vers l'anglais

Alex, parle-nous un peu, s’il te plaît, de toi et de ton parcours. Comment et pourquoi as-tu décidé de devenir traducteur littéraire ?

Je suis né en Italie, à Prato, bien que ma mère soit originaire du Yorkshire. J’ai grandi en parlant à la fois italien et anglais à la maison. On m’a dit qu’à l’âge de quatre ans, j’avais un fort accent du Yorkshire que je n’ai perdu que lorsque j’ai déménagé au Royaume-Uni pour mes études universitaires. Je pensais obtenir une licence en littérature anglaise, retourner en Italie et commencer à enseigner – mais au cours de ma dernière année d’études, je me suis tourné presque par accident vers la traduction de poèmes. J’ai poursuivi par un master et un doctorat et j’ai commencé à rencontrer des traducteurs de métier à lors de cette expérience ! C’est grâce à ces contacts que j’ai obtenu mon premier travail de traduction avant de décrocher mon premier contrat pour un livre.

Quant à savoir pourquoi ? Je ne réalise que maintenant que la transition de l’enseignement à la traduction a été très naturelle. 

 

Est-ce que tu as suivi une formation ? Selon toi, quelle est la meilleure façon d’apprendre le métier de traducteur ?

J’ai acquis de nombreux outils et constituer des contacts lors de mes études universitaires, qui se sont révélées être de réelles opportunités de formation. J’ai ensuite participé à des ateliers de traduction, comme il en existe partout dans le monde. En fait, si je devais choisir quoi conseiller, j’opterais pour des mentorats et des ateliers plutôt que pour un cours universitaire – compte tenu également des coûts et des types de soutien financier disponibles pour les deux voies.

Je pense que le meilleur type de formation est celui offert par un parcours structuré qui permet à de multiples voix d’être entendues et qui fait ressortir des modes d’utilisation réelle de la langue parlée ou écrite, de manière naturelle. Travailler étroitement et régulièrement avec des rédacteurs et des collègues traducteurs contribue certainement au développement des compétences en matière de rédaction et de traduction. Il ne suffit pas de discuter de virgules ou de théories de la traduction. Il faut sentir respirer la ou les langues.

 

Tu es parfaitement bilingue. Qu’est-ce qui t’as fait choisir de traduire en anglais plutôt qu’en italien ?

Parce que cette opportunité m’a été offerte en premier ! Après mon premier livre, j’ai continué à travailler avec des éditeurs et des rédacteurs britanniques et, parallèlement, j’ai traduit des poèmes de l’italien vers l’anglais pendant deux ans pour un magazine en ligne. La plupart de mes contacts aujourd’hui proviennent de ce monde et de ce contexte. Toutefois, depuis peu, je cherche à savoir si je dois aussi me lancer dans le monde de l’édition italienne. Et je pense avoir trouvé la bonne voie pour devenir encore plus bilingue, après mes premiers essais de traduction de poésie, réalisés plutôt pour mon plaisir personnel.

Comme je l’ai déjà dit, trouver des éditeurs, des écrivains ou des lecteurs pour m’aider à développer mon oreille dans l’une ou l’autre direction a été crucial pour moi. C’est très important pour ce type de travail, même si vous n’avez pas l’intention de devenir un traducteur à plein temps.

 

Est-ce que tu utilises naturellement une langue plutôt que l’autre pour exprimer certaines émotions ou certains sentiments ?

C’est une question à laquelle il est facile de répondre : les jurons me viennent plus facilement en italien, et je pense que cela est dû à la langue « fleurie » de la Toscane où j’ai grandi (ne le dites pas à mes parents). Parfois, je trouve plus facile de parler d’émotions et de sujets plus complexes en anglais, mais cela dépend beaucoup du contexte et de l’interlocuteur. Mais je n’ai besoin que d’une semaine d’immersion dans l’une ou l’autre langue pour que tout se remette en place…

 

Depuis que tu as commencé à faire des traductions, as-tu remarqué des changements dans le secteur de la traduction, en particulier dans la façon dont les traducteurs sont perçus ?

Le plus grand changement, du moins dans le monde anglophone, est le niveau de reconnaissance accordée aux traducteurs, qui met sur un pied d’égalité le texte original et la traduction. Cette reconnaissance était déjà une réalité en Italie : il suffit de penser à des noms comme Fernanda Pivano, Yasmina Mélaouah, Ilide Carmignani ou Chiara Reali, pour n’en citer que quelques-uns. L’effet souvent indésirable de cette visibilité émergente – André Naffis-Sahely en a parlé récemment, mais comme lui aussi une longue série de personnes majoritairement « racialisées » dans l’écriture et la traduction – est que l’auteur du texte original est mis au second plan, plutôt que sur un pied d’égalité. C’est un modèle facilement reconnaissable pour quiconque y prête la moindre attention.

Un autre changement concerne l’importance des syndicats et l’efficacité de leur travail pour la profession. Je suis membre de la Translators’ Association (Grande-Bretagne) et de STRADE (Italie), des organisations qui aident à régler les questions contractuelles ; elles fournissent des réseaux de contacts avec des personnes qui ont un parcours professionnel similaire et ont mené les mêmes combats, offrent des informations sur les subventions et les appels d’offres, s’engagent à faire en sorte que notre travail soit reconnu et protégé. J’espère qu’avec le temps, nous nous débarrasserons également de certaines mauvaises habitudes liées aux traditions et à l’inertie générationnelle, en favorisant des pratiques de travail moins exclusives et plus collectives.

 

Quel est le côté le plus satisfaisant ou le plus pénible de ton travail ?

Comme la plupart de ceux qui font ce métier, j’ai souvent dû faire face à des auteurs peu réceptifs, à des rédacteurs trop zélés, à des éditeurs impolis : bref, à toutes les joies d’un système que nous appelons l’industrie de l’édition. La reconnaissance du rôle du traducteur n’entraîne généralement pas une rémunération adéquate, et même une avance substantielle peut parfois être associée à un mauvais contrat, en ce qui concerne les droits. À cela s’ajoute le fait que les aléas du marché ne permettent souvent pas à de très bons livres d’avoir du succès, parce qu’ils ne sont pas considérés comme adaptés au public du moment – ce qui n’est presque jamais vrai…

La satisfaction la plus authentique de mon travail, en réalité, ne provient pas de la publication elle-même, mais plutôt des contacts qui sont noués, des anticipations de ce qui se passe dans le monde de l’édition, du plaisir de découvrir les merveilles que les « cerveaux » des autres traducteurs produisent au cours de leur travail, d’aider les lecteurs à apprécier non seulement les livres que je traduis, mais les bons livres en général (même les bons mauvais livres…).

 

Quels sont les trois livres que tu aimerais traduire dans l’absolu ?

Il y aura toujours une place spéciale dans mon cœur pour le livre que j’ai presque réussi à publier lorsque j’ai commencé ce travail, mais dont je n’ai jamais obtenu les droits : Blues in Sedici de Stefano Benni. Une séquence narrative composée de poèmes sur les villes, les gens qui y vivent et les horreurs quotidiennes.

J’espère aussi que le premier livre de fiction d’Espérance Hakuzwimana sortira bientôt, et même si ce n’est pas moi qui le traduirai, je veux faire tout ce que je peux pour le promouvoir. Quant à la traduction de l’italien vers l’anglais, je pense avoir déjà trouvé mon rêve à réaliser, comme je l’ai déjà dit. Mais j’y penserai quand j’aurai suffisamment dépoussiéré mon italien pour commencer à le travailler sérieusement.

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