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13 octobre 2021

Entretien avec Richard Dixon, traducteur de littérature italienne classique et contemporaine.

Auteur:
Paolo Grossi

Richard Dixon est né à Coventry, a fréquenté l’école King Henry VIII. Il est diplômé en droit des affaires de la Lanchester Polytechnic de Coventry. En 1978, il a obtenu son diplôme d’avocat au Middle Temple de Londres et a exercé pendant neuf ans au London Law Office 2 Dr Johnson’s Buildings, Temple, traitant principalement d’affaires pénales. Il a plaidé devant la Cour d’Appel et la Chambre des Lords (maintenant la Cour suprême). Il a quitté le barreau en 1989 pour déménager dans les Marches avec son compagnon et désormais mari, Peter Greene. Au début des années 1990, ils ont co-écrit plusieurs guides, dont Italy on Backroads (Duncan Petersen, 1993) ; 3-D City Guide : Roma (Duncan Petersen, 1995) ; Charming Small Hotels : Tuscany and Umbria (Duncan Petersen, 1995) ; Central Italy: The Versatile Guide (Duncan Petersen, 1996) et Le Marche: The Gateway to Central Italy (Aerdorica, 2000). Devenu traducteur à temps plein en 1996, il est membre de l’Association italienne des traducteurs et interprètes depuis 2009, membre honoraire depuis 2021 et membre de la Société des auteurs depuis 2012.

 

Comment êtes-vous devenu traducteur? Et pourquoi votre activité s’est-elle particulièrement tournée vers l’italien?

Mon intérêt pour la traduction a commencé après mon arrivée en Italie il y a trente ans. On m’a contacté pour traduire un contrat juridique. À l’époque, ma connaissance de l’italien était encore celle d’un novice, mais la langue du droit m’était un territoire familier et j’ai dû vite faire face à un flux de travail constant. J’ai reçu des documents de toutes sortes de la part des agences de traduction : des guides touristiques aux brochures de cosmétiques, des catalogues d’art aux projets européens. Ce fut pour moi le meilleur apprentissage possible et cela m’a donné une solide connaissance de la langue et de la culture italiennes. Je me suis progressivement tourné vers la traduction littéraire et j’ai publié ma première traduction d’un livre en 2006.

 

Comment jugez-vous la situation actuelle de l’édition britannique par rapport au livre italien? Y-a-t-il eu une évolution ces dernières années? Traduit-on plus? Moins?

Certains éditeurs britanniques (pas plus d’une demi-douzaine) publient de très belles traductions de la littérature italienne mais, d’après mon expérience, peu d’entre eux savent lire l’italien. Cela rend plus difficile pour eux de juger le travail des nouveaux auteurs et impose des responsabilités encore plus lourdes au traducteur. Je crois qu’il y a pas mal de traductions en cours en ce moment. Cela est certainement dû au courage des éditeurs mais aussi à la qualité des traductions elles-mêmes. Les prix de traduction qui valorisent un travail de qualité participent à ce mouvement. Mais les éditeurs, à mon avis, préfèrent jouer la sécurité et miser sur des auteurs autour desquels ils peuvent construire une histoire et peut-être vendre des droits télé.

 

Vous avez traduit des œuvres classiques comme celles de Giacomo Leopardi, mais aussi des livres d’auteurs contemporains comme, entre autres, Carlo Emilio Gadda, Umberto Eco, Roberto Calasso, Antonio Moresco, Marcello Fois, Eugenio De Signoribus, Franco Buffoni etc. Que pensez-vous de la littérature italienne actuelle?

La littérature italienne a occupé une place prépondérante dans la période de l’Après-Guerre grâce à des traducteurs tels que William Weaver qui ont aidé à attirer l’attention des lecteurs du monde entier sur des écrivains comme Alberto Moravia, Elsa Morante, Natalia Ginzburg, Italo Calvino et Umberto Eco. Il y a eu beaucoup de succès retentissants ces dernières années : je pense à des écrivains comme Andrea Camilleri et Elena Ferrante. Mais il y a aussi beaucoup de jeunes auteurs brillants en passe d’être découverts. Parmi ceux que j’ai lu récemment et qui méritent d’être mieux connus : Andrea Bajani, Roberto Cotroneo, Giacomo Sartori, Igiaba Scego, Alessio Torino, mais je pourrais en citer d’autres…

 

Quelle est l’importance, dans votre travail, de la relation personnelle avec les auteurs des livres que vous traduisez? Entretenez-vous une correspondance avec ces derniers pendant le travail de traduction?

Cela fait une grande différence, surtout dans mon approche de la traduction. Cela donne plus de souplesse car, dans le cas d’un auteur vivant, il y a la possibilité d’apporter des modifications à la traduction. Umberto Eco disait que le travail du traducteur était de mettre (dans mon cas) le lecteur anglais dans la même position que le lecteur italien. Il était très souvent content lorsque que j’ajoutais quelques mots d’explication à des références qui auraient probablement été évidentes pour un lecteur italien mais pas un lecteur anglais, ou lorsque je les supprimais entièrement. Dans deux de mes traductions récentes, les auteurs ont accepté de changer les noms des personnages : dans un cas parce que le prénom d’un personnage masculin était plus courant comme prénom féminin en anglais, dans l’autre parce que plusieurs noms anglais choisis par l’auteur ne correspondaient pas, à mon avis, à l’époque et au lieu de l’action du livre. Je préfère contacter l’auteur vers la fin, lorsque la traduction est presque terminée. Je lui envoie une liste de mes doutes et je lui fais part de mes propositions pour les résoudre. L’auteur est presque toujours d’accord avec moi.

 

Parmi les nombreux livres italiens que vous avez traduits, en est-il un qui a représenté pour vous un défi particulièrement difficile et stimulant?

Chaque livre porte ses propres difficultés spécifiques, qui ne sont pas toujours évidentes jusqu’à ce que vous commenciez à travailler dessus. C’est l’aspect le plus stimulant de mon métier – et deux métiers ne sont jamais identiques – mais cela peut parfois générer du découragement, comme s’il fallait tout recommencer. Les défis varient selon l’auteur. Par exemple, traduire Umberto Eco a demandé beaucoup de recherches mais sa voix était tellement incomparable que j’ai eu très peu de mal à la traduire en anglais. Roberto Calasso m’a envoyé les sources de chacun de ses livres, mais le plus difficile a été de déchiffrer sa syntaxe. Chez Paolo Volponi, le problème résidait dans la singularité de ses images poétiques qui ne sont pas évidentes à traduire. Mais le plus grand défi, je pense, était La cognizione del dolore de Gadda. Son style baroque semble parfois défier la traduction : les termes et néologismes abscons et obscurs qu’il utilise paraissent impossibles à rendre en anglais. Heureusement, j’ai été aidé par la superbe édition critique d’Emilio Manzotti (Einaudi, Gli Struzzi, 1987), mais je me souviens d’avoir été contacté par une lectrice particulièrement érudite qui m’a soumis une liste de 194 mots qu’elle ne comprenait pas et qui m’a demandé comment j’avais fait pour préserver « l’incompréhensibilité » du texte original. J’ai dû admettre le contraire : les mots de ma traduction n’étaient pas aussi obscurs que ceux utilisés dans l’original. Ma traduction est donc une simplification, me suggéra-t-elle, et je me sentais un peu perdu pour lui répondre.

 

Vous avez une longue expérience dans la traduction de près de cinquante ans. Et vous avez également écrit des articles et des essais sur la traduction et le métier de traducteur. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui souhaitent se lancer dans cette carrière?

La qualité d’une traduction dépend de deux facteurs principaux. Tout d’abord, vous devez avoir une compréhension approfondie de la langue que vous traduisez. Si vous habitez dans le pays où cette langue est parlée, tant mieux, mais d’une manière ou d’une autre, vous devez vous immerger dans sa culture. Un diplôme aide, mais ce n’est pas suffisant. Ensuite, et c’est tout aussi important, vous devez être capable de bien écrire dans votre propre langue. Certes, vous n’avez pas besoin d’être un écrivain ou un poète professionnel, mais vous devez maîtriser votre langue, et plus vous avez l’expérience de l’écriture en dehors de la traduction, mieux c’est. Ces deux qualités, ensemble, contribuent à produire une traduction fidèle mais lisible. Cependant, il y a une autre étape qui consiste à écouter le son et le rythme du texte original : entendre la voix de l’auteur et la reproduire dans sa propre langue. Un bon traducteur a une bonne oreille et sait transformer ce son : c’est l’habileté de l’alchimiste qui s’acquiert avec l’expérience.

 

Sur quels auteurs italiens travaillez-vous actuellement en tant que traducteur?

Je viens de terminer un troisième livre de Stefano Massini, je travaille sur un deuxième roman de Paolo Volponi et j’espère traduire bientôt un nouvel Antonio Moresco.

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