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10 juin 2020

Les Écrits de saint François en traduction

Auteur:
Brigitte Poitrenaud-Lamesi, Università di Caen Normandia

L’identification d’un auteur

François d’Assise (1181/82-1226) ne fut pas un auteur stricto sensu, et sa fama, désormais mondiale dépasse largement le cadre confessionnel. Elle est liée à la personnalité même de l’homme et à la figure du saint. L’historiographie des études franciscaines rassemble histoire et hagiographie. Les écrits de François ne forment pas seuls le testament moral, spirituel et intellectuel du frère mineur, fondateur de l’Ordre franciscain. On ne peut faire l’économie du souvenir de ses faits et gestes, modèles pour une nouvelle approche humble et empathique du monde et de toutes ses créatures. 

 

Pourquoi et comment traduire François ?

Les Écrits de François ont souvent été « dictés » par le « Petit pauvre » lui-même, puis copiés, transcrits et diffusés hors d’Italie avec les inévitables variantes dues aux compagnons du saint. La première compilation des Écrits de François remonte au milieu du XIIIème siècle (Codex 338), période intense de rassemblement de matériel historique et hagiographique. La contribution de frère Léon, compagnon mais aussi écrivain et secrétaire du « Petit pauvre », est emblématique de cette diffusion de la pensée de François. L’histoire des traductions « franciscaines » propose en général le même parcours que celui qu’a suivi l’histoire de l’édition des textes en Italien et ailleurs : on doit à l’irlandais Lukas Wadding l’édition de 1623, première mise en valeur textuelle des fameux Opuscula. On compte aujourd’hui plus de trois-cents traductions des Écrits en trente-deux langues, ce qui constitue un phénomène éditorial exceptionnel, en particulier pour un auteur du Moyen Âge. 

 

Qui sont les traducteurs?

En premier lieu, surtout des frères mineurs (à travers les maisons d’édition franciscaines). Ce qui ne se fait pas sans quelque intention prosélyte. L’acte de traduire, en effet, a toujours fait partie des caractéristiques de l’Ordre des frères mineurs. Sans exclusive, toutefois, puisque les textes du saint intéressent aussi les historiens du Christianisme et les laïcs lettrés et par conséquent les maisons d’édition plus généralistes. Les Écrits  du « Petit pauvre » ont été traduits principalement dans les pays à forte culture catholique, mais pas seulement : la dimension polysémique de son message a suscité et suscite encore l’attrait des experts en philologie, philosophie ou anthropologie du monde entier et particulièrement dans les pays anglo-saxons. 

 

La question du corpus.

On traduit les Écrits de François avec les écrits sur François, accompagnés parfois des plus célèbres biographies du saint (Celano et Bonaventure) ou encore des textes de Claire d’Assise, d’Antoine de Padoue et de Iacopone da Todi. Parmi les textes les plus publiés et traduits, prédomine le Cantique de frère Soleil (Cantico di frate Sole), qui compte parmi les premières compositions poétiques en langue vulgaire. Viennent ensuite les Règles (Regole) – surtout parmi les frères – et quelques autres petites œuvres plébiscitées comme l’Ecoutez pauvrettes (Audite poverelle) retrouvé en 1978. Les responsables des volumes y ajoutent souvent la traduction des Petites Fleurs (Fioretti). Reconstruire l’histoire de la traduction implique de prendre en considération la question de la délimitation du corpus et de la typologie des Écrits. Les traductions s’appuient sur les deux éditions critiques les plus sérieuses qui ont défini le « canon » des œuvres authentiques de François : celle de K. Esser (Die Opuscula des hl. Franziskus von Assisi, 1976 et 1986 avec traduction italienne en regard) et surtout celle de C. Paolazzi (Scripta, 2009). Les textes considérés comme authentiques sont les Règles et les Exhortations, les Lettres, le Testament, les Prières et les Louanges et le Cantique de frère Soleil. 

 

La « floraison » des traductions.

Les Écrits ont été composés en latin ou en dialecte ombrien. De fait, les premières traductions dans l’absolu sont celles italiennes de 1781 et 1782 (Opuscoli di S. Francesco d’Assisi : Recati in volgare con alcune annotazioni). La plus récente date de 2003 (Fonti francescane, nouvelle édition par E. Caroli) ; de la forêt des traductions italiennes émergent celle de A. Vicinelli de 1955 (Gli Scritti di San Francesco d’Assisi e ‘Fioretti’) et celle de G. Petrocchi en 1983 (Francesco d’Assisi : gli scritti e la leggenda). À la fin du XIXème siècle Paul Sabatier contribua à la redécouverte des Écrits de François, donnant lieu à un regain de traductions en Europe. Dans la première moitié du XXème siècle, on compte une cinquantaine de traductions en français, en allemand, en anglais, en polonais ; apparaissent des traductions en espagnol, en portugais – ce sont les régions linguistiques qui restent aujourd’hui les plus représentatives – et dans les autres langues européennes nationales (en croate en 1976) et régionales. Hors d’Europe, fleurissent les éditions et traductions en arabe (en 1953), en japonais (en 1958 puis en 1988), en indonésien (en 1959) ou en vietnamien (en 1968). Dans la seconde moitié du XXème siècle, sont apparues les éditions intégrales des œuvres de François et des sources hagiographiques que l’on appelle Totum en France, Fonti Francescane en italien ou Omnibus en anglais. La première expérience de cette nouvelle forme a été publiée en 1968 en France : Écrits, documents et premières biographies di T. Desbonnets et D. Vorreux, réédités de nombreuses fois jusqu’en 2003. Sa richesse critique fit école. Les États Unis prirent exemple sur l’édition française en publiant en 1972 le volume English Omnibus of the Sources for the Life of St Francis, dir. M. A. Habig et R. Brown (rééd. 1992, 2008) et les Early franciscan documents  entre 1999 et 2002. L’Espagne ne resta pas en reste : les franciscains publièrent les Escritos, Biografías, Documentos de la época de J. A. Guerra en 1978 (rééd. de 1995 à 2003). La richesse des traductions mises en chantier dans les années 1970 atteint son sommet dans les années 1980 qui ont marqué un tournant en raison du huitième centenaire de la naissance de François. Cet anniversaire suscita de nombreuses éditions ou rééditions de qualité : en anglais (The writings of St Francis of Assisi, dir. H. Backhouse, 1994), en portugais (Escritos, Biografas, Ducumentos: Fontes franciscanas, 6 éd. de 1982 à 2005), en allemand, dans le sillage des travaux de K. Esser, (Die Schriften des heiligen Franziskus von Assisi, par L. Hardick et E. Grau, 7 éd. de 1980 à 2001) et surtout le prestigieux Totum (Franziskus-Quellen, dir. D. Berg et L. Lehmann, 2009). Dans la seconde moitié du XXème siècle et durant les premières années du XXIème siècle, les traductions des Écrits de François s’étendent à d’autres langues : le finnois (1981), le norvégien et le slovène (1982), le maltais en 1986, le grec et le slovaque en 1994, le roumain en 1997, le basque en 2002, le bosniaque en 2005 ; hors d’Europe : le zwaili en 1984, le kiniyarwandese en 1991, le thaï en 1997, et une version anglaise pour l’Inde. 

La traduction française dirigée par J. Dalarun, François d’Assise. Écrits, Vies, Témoignages, publiée en 2010, se distingue par son ampleur et sa qualité scientifique : deux volumes pour un total de 3418 pages. Cette œuvre s’inscrit dans la tradition française des études franciscaines et apparaît comme une sorte de sommet de la forme du Totum

 

Pour aller plus loin :

Cfr. Attilio Bartoli Langeli, « Edizioni e traduzioni degli scritti di Francesco », dans Francesco e Chiara d’Assisi: Percorsi di ricerca sulle fonti, Efr-Editrici Francescane, 2014. 

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